Après avoir franchi le portail, nous nous retrouvons dans l’espace d’accès au monastère, dont la configuration est le fruit de la réhabilitation réalisée au milieu du XVIIIe siècle. Jusqu'au moment de la sécularisation, il accueillait des services externes à la vie monastique, comme les écuries et les ateliers, en plus des logements des laïcs qui étaient au service du monastère. Ces services incluaient la forge, qui occupait un des édifices annexes au portail.
Le portail de l’Assomption, présidé par une image de la Vierge et le blason de Santes Creus, reliait l’espace extérieur et celui de mi-clôture, un espace dont l’accès était restreint pour préserver l’isolement des moines.
Par le portail de l’Assomption nous accédons à l’espace de mi-clôture, dénommé actuellement place de Sant Bernat Calbó. Les usages du Cistercien prévoyaient cet espace entre la clôture et le monde extérieur pour accomplir les obligations d’accueil et de gestion des activités économiques concernant le monastère, sans déranger la vie monastique.
Au XVIe siècle, l’abbé Jeroni Contijoc (1560-93) transféra sa résidence du cloître arrière à la place de Sant Bernat. Le nouveau palais met à profit une partie de la structure de l’ancien hôpital des pauvres de Sant Pere i Sant Pau, construit au XIIIe siècle grâce au legs de Ramon Alemany de Cervelló pour la construction et l’entretien d’un hôpital accueillant les pèlerins et donnant l’aumône aux pauvres.
Selon la conception idéale d’un monastère cistercien, dans cet espace actuellement vide devaient se dresser les dépendances des frères convers. Dans le monastère, des moines profès et convers cohabitaient, qui se distinguaient par le fait d’avoir reçu ou non les ordres supérieurs. Cette différence, souvent marquée par l’origine sociale et le niveau culturel, était très accentuée dans la vie monastique : profès et convers exerçaient différentes fonctions et occupaient même des espaces séparés dans le monastère. Tandis que les moines profès se consacraient fondamentalement à l’étude, les convers se chargeaient des travaux manuels. Les convers étaient exemptés d’accomplir toutes les obligations religieuses, afin de se consacrer aux travaux agricoles, artisanaux et d’entretien qu’exigeait le maintien de la communauté.
Le monastère ne dispose pas d’une muraille proprement dit mais fut plutôt fortifié en surélevant les murs de l’espace claustral, renforcés par des créneaux. Afin de protéger les défenseurs, l’espace entre les créneaux était couvert de pièces en bois rabattables.
La porte Royale était l’accès principal à la clôture. Elle fit partie des travaux de construction du cloître gothique, au XIVe siècle, et reçut le mécénat de Jaume II et de Blanche d’Anjou, comme le prouvent les effigies royales et les blasons sculptés sur l’arc de la porte.
Le cloître est l’une des pièces les plus significatives de Santes Creus, non seulement pour sa qualité artistique mais aussi du fait d’être le premier cloître gothique construit au sein de la Couronne d’Aragon.
Dans la galerie sud du cloître se distingue un lavatorium qui accueille le lavabo où les moines faisaient leurs ablutions avant d’entrer dans le réfectoire. Selon le plan idéal des monastères cisterciens, le lavatorium est situé devant le réfectoire.
Devant le lavatorium se trouve une porte qui devait relier l’ancien réfectoire, selon les règles de l’architecture cistercienne. À côté il y avait la cuisine et le cellier, également disparu. Bien qu’il ne reste aucun élément du réfectoire, les documents révèlent que la reine Blanche d’Anjou fit un legs testamentaire pour le construire.
La salle capitulaire accueille l’un des rituels quotidiens de la vie monastique : la lecture d’un chapitre de la règle de Saint Benoît. Il s’agit de l’une des salles monastiques les plus importantes en raison de sa fonction et, dans le cas de Santes Creus, une des plus abouties au niveau architectural. L’espace fait partie du premier bloc de construction, du XIIe siècle, et se caractérise par l’austérité, la simplicité et l’équilibre.
La chapelle occupe l’espace de l’ancien armarium du monastère, où étaient conservés les livres utilisés dans le chapitre et pendant les moments de lecture dans le cloître. En 1558, elle devint la chapelle funéraire de Magdalena Valls de Salbà, sœur de l’abbé Jaume Valls. Les travaux furent payés avec le legs testamentaire de Magdalena.
Le début des travaux de l’église de Santes Creus remonte à 1174. Elle fut ouverte au culte dès 1211 mais les travaux se poursuivirent jusqu’au début du XIVe siècle. Le temple, dédié à la Vierge, comme cela est habituel dans le Cistercien, est à usage exclusif de la communauté. Ce n’est qu’à l’expropriation des biens de l’Église qu’il adopta le rôle d’église paroissiale qu’exerçait jusqu’alors l’église de Santa Llúcia.
Le parloir relie le cloître principal et le cloître arrière. C’est un lieu de passage mais également un point de réunion, comme le témoignent les bancs en pierre adossés au mur, autrefois revêtus de bois pour les rendre plus confortables. Les moines pouvaient y tenir de brèves conversations, bien que toujours de manière prudente, puisque les cisterciens vivaient dans le silence, convaincus de ses bénéfices spirituels.
Santes Creus possède un second cloître, plus simple au niveau artistique, qui articule les dépendances situées dans la partie arrière. Il fut bâti pendant la seconde moitié du XIVe siècle, lors de l’abbatiat de Guillem Ferrera, dans l’objet d’aménager cette zone et de relier le palais au reste du monastère.
La copie de manuscrits et la rédaction de documents étaient un travail propre aux monastères médiévaux. Les moines cisterciens n’en sont pas exclus, mais saint Bernard dicte des règles restrictives concernant cette activité afin de préserver l’austérité de l’ordre. Ces normes réduisent la gamme de couleurs, limitent l’ornementation sur les lettres majuscules et suppriment les éléments figuratifs. Malgré tout, l’ordre produisit également des manuscrits richement enluminés suite à l’assouplissement du respect des préceptes.
Un portillon permet d’accéder à la geôle, un espace humide aux dimensions réduites, qui servait de cellule de punition et de pénitence pour les frères. L’abbé devait savoir qu’elle était la meilleure manière de corriger le comportement de ses moines, en envisageant même la possibilité de châtiments corporels. Dans les cas les plus extrêmes, la peine de prison pouvait être prise en considération.
Avec la construction d’un nouveau réfectoire, la cuisine fut déplacée à côté de ce dernier. Actuellement, la plupart de la salle a perdu sa toiture et les éléments permettant d’en identifier la fonction originale sont rares. En plus des vestiges des conduits d’eau, sont conservés les piques, une table et un fourneau en pierre pour poser les marmites sur le feu. Il y a également un petit moulin et des restes de meules provenant d’un moulin à farine.
Le réfectoire du cloître arrière est documenté du XVIe siècle, bien que l’aspect définitif provienne des travaux de 1733 quand, afin d’apporter plus de lumière à l’intérieur, le plafond est élevé et deux autres fenêtres sont ouvertes, une à chaque extrémité, au-dessus des galeries du cloître.
Le palais était la résidence de l’abbé et le cœur de la gestion du monastère. Les fonctions de l’abbé de Santes Creus allaient au-delà de la direction spirituelle et du gouvernement de la communauté monastique, vu qu’il avait des obligations en tant que seigneur féodal et représentant de la classe ecclésiastique aux Cortès. De plus, il jouit longtemps d’un lien étroit avec la couronne, grâce au titre de Grand Prêtre royal que possédaient les abbés de Santes Creus. La gestion de ce pouvoir impliquait donc des relations constantes avec l’extérieur, un fait qui justifiait le besoin d’une résidence propre, au moyen de laquelle il exprimait le pouvoir du monastère.
Après avoir décidé de l’établissement sur ces terres au bord de la rivière Gaià, la communauté provenant de Valldaura dut bâtir ces dépendances provisoires, dans l’attente que les salles essentielles du monastère fussent achevées. Par la suite, les édifices furent réhabilités et ils furent utilisés jusqu’à la sécularisation. Il y avait des dépendances couvertes de caissons en bois et de plâtre du XVIe siècle.
Située dans la partie arrière de l’espace monastique, la chapelle de la Trinité fut sans doute la première église de la communauté, du moment où elle s’installa à Santes Creus (XIIe siècle) à l’ouverture au culte de l’église principale (1211). Par la suite, avec la construction de nouvelles dépendances dans le cloître arrière, elle fut reconvertie en chapelle de l’infirmerie.
Devant le palais, du côté opposé au cloître, se dressaient les salles adaptées aux moines retraités, qui étaient au monastère depuis plus de quarante ans, et les vieillards. Il ne reste de cette construction que quelques témoignages, toutefois, un exceptionnel arc catalan, long et très plat, a survécu, malgré la destruction subie pendant la Troisième Guerre Carliste (1872-1876).
Cet édifice trouve ses origines dans le cadre des rénovations réalisées au monastère à partir du XVIIe siècle dans le but de réaménager l’espace de vie communautaire. Cette nouvelle construction aurait accueilli, au rez-de-chaussée, un entrepôt de linge et des lavoirs, tandis que le premier étage était destiné à l’infirmerie.
En 1575, l’abbé Jeroni Contijoch ordonna la construction du clocher pour y loger les cloches qui, actionnées par le mécanisme de l’horloge de l’église, rythmaient la vie monastique.
Le cimetière est signalé par une seule croix en pierre, vu que le caractère cistercien ne permet pas d’éléments différenciant les membres de la communauté.
Le dortoir fait partie du premier bloc de construction. Il fut commencé en 1191 et achevé en 1225, bien que certains historiens affirment que la construction aurait connu une deuxième phase achevée lors de la seconde moitié du XIIIe siècle.
Après avoir franchi le portail, nous nous retrouvons dans l’espace d’accès au monastère, dont la configuration est le fruit de la réhabilitation réalisée au milieu du XVIIIe siècle. Jusqu'au moment de la sécularisation, il accueillait des services externes à la vie monastique, comme les écuries et les ateliers, en plus des logements des laïcs qui étaient au service du monastère. Ces services incluaient la forge, qui occupait un des édifices annexes au portail.
La forge, comme le moulin et le four, étaient un monopole du monastère. Dans ses domaines, seul le seigneur féodal pouvait fournir ces services, qu’il baillait.
L'accès à l'enceinte monastique se faisait par un portail qui s’ouvre entre les maisons destinées à l’origine à la conciergerie et à la forge. L'arc de l'entrée présente le blason de Santes Creus.
Une gravure sur la façade indique qu'il fut construit en 1745, lors des rénovations entreprises dans l’enceinte.
Santa Llúcia était l'église paroissiale des habitants d’Aiguamúrcia et de Les Pobles, des journaliers qui travaillaient les terres du monastère, auquel ils étaient liés par la vassalité.Le bâtiment actuel date du milieu du XVIIIe siècle mais les services religieux en tant que paroisse sont documentés dès 1192.
Comme à d’autres endroits, au XIVe siècle l'abbé offrait aux paroissiens de Santa Llúcia des oublies, du vin pimenté et du bouillon lors des fêtes de Noël. De cette coutume nous est parvenu un moule à oublies orné du blason de l’Abbé Porta, conservé au Musée Épiscopal de Vic.
Le portail de l’Assomption, présidé par une image de la Vierge et le blason de Santes Creus, reliait l’espace extérieur et celui de mi-clôture, un espace dont l’accès était restreint pour préserver l’isolement des moines.
Au XVIIIe siècle, il fut rénové au sein d’un projet de réhabilitation globale du monastère. C’est pourquoi les éléments décoratifs propres au baroque dominent.
L’édifice accueille la résidence du vicaire, le moine responsable des services religieux à l’église de Santa Llúcia, où il recevait les habitants des domaines de Santes Creus. La tour qui le couronne pourrait avoir fait fonction de conjurador, l'espace depuis lequel, pendant la fête de la Sainte Croix (3 mai), toutes les terres du domaine étaient bénies pour les protéger contre les orages et autres inclémences météorologiques.
Par le portail de l’Assomption nous accédons à l’espace de mi-clôture, dénommé actuellement place de Sant Bernat Calbó. Les usages du Cistercien prévoyaient cet espace entre la clôture et le monde extérieur pour accomplir les obligations d’accueil et de gestion des activités économiques concernant le monastère, sans déranger la vie monastique.
Les édifices, qui ferment l’espace, furent réhabilités entre les XVIe et XVIIe siècles pour accueillir les moines retraités et le nouveau palais de l’abbé. Ici se trouvaient l’hôtellerie et les édifices de gestion, en plus des maisons des moines qui étaient dispensés de la clôture puisque leur fonction exigeait un contact régulier avec l’extérieur, comme les responsables des moulins ou l’apothicaire.
Au milieu de l’espace se dresse la fontaine dédiée à saint Bernard Calbó (1180-1243), abbé de Santes Creus et évêque de Vic. L’ensemble sculpté date du milieu du XVIIIe siècle, peu après la canonisation de Bernat Calbó par l’Église (1710). Saint Bernard fut l’un des abbés les plus influents de Santes Creus, aussi bien dans la sphère politique que religieuse. Son opinion fut essentielle pour que de nombreux nobles s’unissent à Jaume I dans la conquête de Majorque. Quelques mois plus tôt, ils s’étaient réunis au monastère pour dicter le testament déclarant leur volonté d’y être enterrés et léguant de nombreux biens qui accrurent significativement le patrimoine du monastère. Dans le domaine religieux, il imposa la règle dans la réforme de la discipline religieuse.
Les maisons alignées à gauche de la place étaient destinées aux moins retraités et à ceux dont l’exercice de leur fonction exigeait un contact avec l’extérieur. Au début, les usages du Cistercien permettaient à ces moines de vivre hors de la clôture, une exception pour ne pas perturber la vie communautaire. Mais avec l’assouplissement de la discipline monastique, seuls les novices demeuraient dans la clôture, tandis que les supérieurs du monastère partaient vivre dans leurs propres maisons et avaient des serviteurs. Le coût était couvert par les rentes que chacun percevait dans l’exercice de sa fonction.
Tous ces édifices furent réhabilités à plusieurs reprises pour les adapter aux usages les plus pertinents. Les dates qui figurent sur les façades (1560, 1645 et 1652) témoignent de ces interventions. Le rez-de-chaussée servait d’entrepôt alors que le logement se trouvait à l’étage supérieur. Afin d’unifier l’ensemble, à l’époque baroque, les façades furent couvertes de sgraffites représentant des colonnes, des corniches et différents motifs décoratifs.
Ces logements furent la base de la formation du village de Santes Creus au XIXe siècle. Après l’expropriation des biens de l’Église, les maisons furent distribuées entre les nouveaux propriétaires qui les adaptèrent afin d'en faire des résidences de villégiature. En même temps, l’installation de métayers dans les maisons du premier espace est encouragée pour maintenir l’exploitation des terres qu’ils avaient acquises.
La place forme une promenade qui mène à l’église du monastère, située au point le plus élevé. La façade du temple se structure en trois corps correspondant aux nefs ; la centrale plus élevée et les deux latérales plus basses. Nous pouvons y voir la confluence de trois étapes de construction : le portail, les deux fenêtres à arc en plein cintre et les deux contreforts de renfort aux extrémités sont le témoignage d’une réalisation de style roman. La grande baie gothique ouverte dans la nef centrale et décorée de riches vitraux est le fruit d’une seconde phase de construction, au XIIIe siècle. Enfin, les créneaux, construits sur l’ordre de Pere el Cerimoniós et achevés en 1378, sont la preuve d’un troisième moment historique.
Au XVIe siècle, l’abbé Jeroni Contijoc (1560-93) transféra sa résidence du cloître arrière à la place de Sant Bernat. Le nouveau palais met à profit une partie de la structure de l’ancien hôpital des pauvres de Sant Pere i Sant Pau, construit au XIIIe siècle grâce au legs de Ramon Alemany de Cervelló pour la construction et l’entretien d’un hôpital accueillant les pèlerins et donnant l’aumône aux pauvres.
L’élément le plus important est un petit cloître renaissant, antérieur à la construction du palais. Les dépendances se distribuent entre les deux étages reliés par un escalier du XVIIIe siècle, et s’ouvrent sur le jardin à travers une double galerie.
Après l’expropriation des biens du monastère en 1857, une partie du palais accueillit la mairie et l’école d’Aiguamúrcia.
Selon la conception idéale d’un monastère cistercien, dans cet espace actuellement vide devaient se dresser les dépendances des frères convers. Dans le monastère, des moines profès et convers cohabitaient, qui se distinguaient par le fait d’avoir reçu ou non les ordres supérieurs. Cette différence, souvent marquée par l’origine sociale et le niveau culturel, était très accentuée dans la vie monastique : profès et convers exerçaient différentes fonctions et occupaient même des espaces séparés dans le monastère. Tandis que les moines profès se consacraient fondamentalement à l’étude, les convers se chargeaient des travaux manuels. Les convers étaient exemptés d’accomplir toutes les obligations religieuses, afin de se consacrer aux travaux agricoles, artisanaux et d’entretien qu’exigeait le maintien de la communauté.
Le territoire autour du monastère était divisé en fermes dont le Cistercien délégua l’exploitation aux convers. Le degré de spécialisation de ces moines fit qu’on leur attribua le succès des exploitations agricoles du Cistercien à l’époque médiévale.
Le monastère ne dispose pas d’une muraille proprement dit mais fut plutôt fortifié en surélevant les murs de l’espace claustral, renforcés par des créneaux. Afin de protéger les défenseurs, l’espace entre les créneaux était couvert de pièces en bois rabattables.
Les créneaux étaient décorés de têtes humaines et d’animaux, sculptées sur les consoles, et de blasons qui témoignent des promoteurs de l’ouvrage. L’initiative de fortifier le monastère provient d’un ordre de Pere el Cerimoniós suite à un conflit avec la Castille. À cette époque, le manque de ressources empêcha de réaliser le projet et ce n’est qu’en 1375, après une incursion de l’infant Jaume de Mallorca, que l’abbé Bartomeu de la Dernosa ordonna d’entamer les travaux.
La porte Royale était l’accès principal à la clôture. Elle fit partie des travaux de construction du cloître gothique, au XIVe siècle, et reçut le mécénat de Jaume II et de Blanche d’Anjou, comme le prouvent les effigies royales et les blasons sculptés sur l’arc de la porte.
Il s’agit d’une porte en plein cintre formée d’une ligne de vastes vousseaux, encadrée d’archivoltes et avec une goutte d’eau fleuronnée. La porte était précédée d’un porche dont il ne reste que la naissance des arcs.
Sur les battants en bois du portail, nous pouvons voir le travail en forge avec d’anciennes traverses, deux blasons avec les quatre barres, et deux heurtoirs en forme d’anneau.
Le cloître est l’une des pièces les plus significatives de Santes Creus, non seulement pour sa qualité artistique mais aussi du fait d’être le premier cloître gothique construit au sein de la Couronne d’Aragon.
Il fut bâti sur l’ordre de Jaume II, dans le but de créer un environnement digne d’accueillir ce qui devait être le panthéon de la dynastie. Mais Jaume II et Blanche d'Anjou n’apportèrent pas seulement cette volonté et les ressources nécessaires, ils introduisirent aussi les courants artistiques les plus avant-gardistes de l’époque pour faire de Santes Creus une référence.
Les travaux commencent vers 1313, occupant l’espace d’un cloître plus ancien dont il ne reste que des indices dans le lavatorium. Le style du lavatorium, austère selon les règles du Cistercien, contraste avec l’exubérance des autres éléments sculptés qui se distinguent par l’innovation et la qualité. De la même manière, le thème mondain des chapiteaux devait s’opposer aux peintures gothiques, à thème religieux, qui décoraient les murs du cloître et dont il ne reste que quelques exemples.
Les travaux du cloître furent achevés en 1341, même si au fil du temps d’autres interventions eurent lieu, comme celle de 1503 pour travailler sur les remplages des arcs. Le cloître affiche ainsi une évolution stylistique entre le roman et le gothique flamboyant, présent surtout sur les chapiteaux et les remplages.
En marge du style, la distribution des édifices autour du cloître conserva le modèle des monastères cisterciens établi par Bernard de Clairvaux. L’église se trouve du côté nord ; à l’est, l’armarium, la salle capitulaire et l’accès au dortoir, qui se trouve lui au premier étage ; au sud, devant le lavatorium, il y avait l’ancien réfectoire, à côté de la cuisine. Les dépendances du côté ouest, traditionnellement destinées aux convers, disparurent suite, probablement, à l’agrandissement du cloître vers ce côté. Le cloître est donc l’axe qui articule la vie quotidienne de la communauté. Pour les moines, il s’agit d’un endroit de lecture, de méditation, d’étude, de promenade ou de relation dans le quotidien monastique.
Le cloître, toutefois, est également un espace mortuaire, où sont réunis les tombeaux de diverses familles nobles, la plupart liées à la conquête de Majorque.
Le cloître fut construit avec le mécénat de Jaume II et de la reine Blanche d’Anjou. À la mort de la reine, en 1310, celle-ci laissa un héritage pour la réalisation de l’ouvrage, qui fut complété par des apports de Jaume II. C’est pourquoi leurs blasons, la fleur de lys de la maison d’Anjou et les quatre barres de la Couronne d’Aragon, sont placés en alternance sur les clés de voûte de chacune des galeries.
Le cloître de Santes Creus présente une rupture avec les préceptes de l’ordre. Bernard de Clairvaux, principal promoteur de l’Ordre Cistercien, interdit les sculptures dans les monastères et demanda leur disparition des cloîtres. Pour cette raison, les chapiteaux cisterciens se caractérisent par des motifs végétaux et géométriques, comme ceux qui apparaissent sur le lavatorium du lavabo, et qui, sans doute, caractérisaient le premier cloître.
Par contre, fruit des exigences des monarques, les autres chapiteaux du cloître gothique offrent une richesse sculptée exceptionnelle, aussi bien par leur qualité que par l’originalité des thèmes où domine la présence d’animaux fabuleux, un des thèmes expressément condamnés par Bernard de Clairvaux parce qu’il suppose une distraction pour l’intellect. À travers ces êtres, les artistes parodiaient leur réalité contemporaine. Le thème n’est pas une nouveauté mais il acquiert dans le cloître de Santes Creus un rôle majeur en raison de la place qu’il occupe.
Il y a, à côté de ces chapiteaux, d’autres plus réalistes comme ceux qui représentent un tailleur de pierre ou un chevalier armé. Même la décoration végétale présente une rupture grâce à l’introduction de nouvelles formes.
Ces nouveaux modèles, développés en France, arrivent à Santes Creus de la main des artistes qui travaillent aux tombeaux royaux.
Sur les chapiteaux, le travail de différents ateliers a été identifié, parmi lesquels nous connaissons les noms de Francesc de Montflorit, le plus ancien, Bernat de Payllars, qui y travaille à partir de 1325, et Reinard des Fonoll, maître d’ouvrage et sculpteur qui prend en charge les travaux de Santes Creus entre 1331 et 1341.
Les baies ogivales des galeries sont décorées de riches remplages, différents selon le tronçon, fruit de l’évolution stylistique d’une construction qui se prolonge jusqu’au début du XVIe siècle. Les arcs en plein cintre et les oculus dessinés par les remplages de la nef est, au début du projet, se transforment, au fur et à mesure des travaux, en arcs en accolade, tandis que dans la galerie ouest apparaissent des éléments du gothique flamboyant.
À cause des dommages soufferts au XIXe siècle, les remplages furent partiellement reconstruits dans les galeries nord et est.
Le cloître conserve les tombeaux de familles nobles liées au monastère, en particulier suite à la conquête de Majorque (1229). Pendant la préparation de la campagne, l’abbé Calbó concéda aux nobles qui se ralliaient à Jaume I le privilège d’être enterrés dans le monastère. Ainsi, leur corps reposerait dans un espace sacré, un souhait propre de l’époque, dans l’espoir d’obtenir l’intercession divine et de rester dans la mémoire et les prières des vivants. En échange de ce privilège, dans leur testament ils firent des dons en faveur de Santes Creus, qui accrurent significativement le patrimoine du monastère. En même temps, la consolidation des relations avec la noblesse fit augmenter le prestige de Santes Creus.
Le travail sculpté des tombeaux combine différents styles : des éléments de tradition romane tardive, une iconographie du gothique naissant, et même des éléments renaissants, comme ceux du tombeau de l’Amazone Invaincue (Guillema de Montcada). Certains de ces tombeaux sont antérieurs au cloître gothique et furent transférés à l’emplacement actuel pendant les travaux de construction. Ceci crée un espace funéraire propre à la noblesse, proche de l’église, mais qui n’empiète pas sur l’espace qui accueille le panthéon royal.
Bien que les images conservées soient rares, les vestiges picturaux sur les murs du cloître indiquent que ceux-ci avaient été décorés. Sur la porte de l’ancienne chapelle de Saint-Benoît se trouve une fresque dédiée à l’Annonciation. L’œuvre est attribuée à Ferrer Bassa et elle est datée d’environ 1340, c’est-à-dire, vers la fin de la construction du cloître.
La peinture est en très mauvais état et seul un tiers en est conservé. La couleur s’est estompée et certaines parties des figures de la Vierge et de l’ange ont disparu. Le cadre architectural qui les entoure est également très estompé.
Sur la porte de la Mongia, par laquelle les moines entraient dans l’église, apparaît un ensemble sculpté en albâtre polychrome portant sur le Jugement Final. Le groupe, du XIVe siècle, est composé d’un Christ Juge, de trois anges et d’un moine en attitude de prière, identifié comme l’abbé Francesc Miró (1335-1347). Les trois anges portent les instruments de la Passion : la lance et les clous, une croix et la couronne, la branche d’hysope avec l’éponge et le chaudron avec le vinaigre.
Les consoles qui supportent les figures conservent la polychromie. La sculpture représente les symboles des quatre évangélistes et la résurrection d’Adam et Ève.
Sur la niche des Montcada, il y a une image gothique représentant la Vierge à l’Enfant. Elle est couverte par un dosseret et soutenue par une console avec deux anges.
Le cloître contient deux portes qui donnent sur à l’église. Les moines entraient par la porte de la Lliçó, située plus près de l’abside, et les frères convers par celle plus proche des pieds de l’église, qui les faisait accéder à l’endroit qui leur correspondait dans le temple.
La tour lanterne qui couronne l’église est visible depuis le cloître. Dans le cas de Santes Creus, cette tour lanterne a une fonction purement ornementale, puisqu’elle ne permet pas le passage de la lumière dans la nef. Sa réalisation brise l’austérité architecturale du Cistercien et s’explique par le désir de Jaume II, qui en paya la construction au début du XIVe siècle, d’embellir l’église.
Les solutions techniques employées sont innovantes et la tour lanterne de Santes Creus introduit une typologie de construction suivie par d’autres monastères de l’ordre comme Poblet et Vallbona de les Monges.
Au milieu du XVIIIe siècle, un lanternon à tuiles émaillées y fut ajouté. Actuellement, il fait fonction de clocher.
Dans la galerie sud du cloître se distingue un lavatorium qui accueille le lavabo où les moines faisaient leurs ablutions avant d’entrer dans le réfectoire. Selon le plan idéal des monastères cisterciens, le lavatorium est situé devant le réfectoire.
À plan hexagonal et couvert d’une voûte de croisée d’ogives, il se caractérise par l’austérité décorative avec des formes géométriques et des motifs végétaux. Ces éléments, qui contrastent avec les testes de la sculpture du cloître, le définissent comme une œuvre du plus pur style cistercien, témoignage de la première étape de construction du monastère.
Au centre du lavatorium se trouve une fontaine circulaire avec un bassin en marbre blanc et plusieurs jets d’eau. Après le travail dans le verger ou de culture des terres, les moines devaient se laver les mains avant d’entrer dans le réfectoire pour manger. C’est pourquoi il y a toujours un lave-mains devant le réfectoire.
Devant le lavatorium se trouve une porte qui devait relier l’ancien réfectoire, selon les règles de l’architecture cistercienne. À côté il y avait la cuisine et le cellier, également disparu. Bien qu’il ne reste aucun élément du réfectoire, les documents révèlent que la reine Blanche d’Anjou fit un legs testamentaire pour le construire.
Il ne reste de cet ensemble qu’une salle allongée qui fit fonction de cellier, où étaient conservés les fûts originaux du XVIIe siècle. Après l’expropriation des biens de l’Église, cet espace fut vendu. La partie inférieure demeura alors un cellier mais des logements destinés aux travailleurs furent construits à l’étage supérieur.
Actuellement, cet espace accueille le montage scénographique et l’audiovisuel « Le monde du Cistercien ».
La salle capitulaire accueille l’un des rituels quotidiens de la vie monastique : la lecture d’un chapitre de la règle de Saint Benoît. Il s’agit de l’une des salles monastiques les plus importantes en raison de sa fonction et, dans le cas de Santes Creus, une des plus abouties au niveau architectural. L’espace fait partie du premier bloc de construction, du XIIe siècle, et se caractérise par l’austérité, la simplicité et l’équilibre.
Les moines s’asseyaient sur les gradins adossés aux murs, tandis que l’abbé, père spirituel de la communauté, présidait la réunion, assis sous la baie centrale. De là, il instruisait sur des questions morales et religieuses après la lecture de la Règle et le Martyrologe. Des questions transcendantales pour la vie quotidienne de la communauté y étaient débattues, des confessions publiques y étaient tenues, les différentes fonctions y étaient nommées et l’abbé y était élu par vote.
La porta d’accès forme un arc en plein cintre à archivoltes et dessine, en son intérieur, des arcs jumelés également en plein cintre. La même structure se répète sur les fenêtres situées des deux côtés. À travers ces ouvertures, les frères convers pouvaient suivre les enseignements de l’abbé depuis l’extérieur.
La salle est couverte de neuf voûtes d’arêtes, construites au croisement des arcs en plein cintre. Les nervures des voûtes confluent sur quatre colonnes en pierre, reproduisant la forme d’un palmier.
La décoration sculptée est caractéristique de l’ordre : des plantes connues par les moines ou typiques des zones où ils s’établissaient, comme les feuilles de laurier ou les palmettes. Il y a des ornementations plus singulières comme deux crosses opposées ou la représentation de quatre palmettes en croix et un nœud de Salomon.
Réparties sur le sol de la salle, il y a sept dalles tombales qui correspondent aux tombeaux d’un évêque et de six abbés. L’abbé, comme le reste de la communauté, doit être enterré de manière anonyme et humble. Ces personnages, par contre, influencés par le culte de l’individualité de la Renaissance, choisirent d’être enterrés dans un espace privilégié digne de leur importance, mettant en valeur leur personnalité au moyen des dalles.
La chapelle occupe l’espace de l’ancien armarium du monastère, où étaient conservés les livres utilisés dans le chapitre et pendant les moments de lecture dans le cloître. En 1558, elle devint la chapelle funéraire de Magdalena Valls de Salbà, sœur de l’abbé Jaume Valls. Les travaux furent payés avec le legs testamentaire de Magdalena.
La chapelle occupe l’espace de l’ancien armarium du monastère, où étaient conservés les livres utilisés dans le chapitre et pendant les moments de lecture dans le cloître. En 1558, elle devint la chapelle funéraire de Magdalena Valls de Salbà, sœur de l’abbé Jaume Valls. Les travaux furent payés avec le legs testamentaire de Magdalena.
Comme elle l’établit dans son testament, le tombeau de Magdalena Valls est gardé par un groupe sculpté dédié à l’Assomption de la Vierge. L’abbé Contijoc commanda le travail à Perris d’Austri, un maître imagier français résidant à Tarragone.
L’œuvre, en très mauvais état à cause des épisodes de vandalisme du XIXe siècle, était composée de dix apôtres autour de Marie gisant et d’un relief représentant quatre anges élevant le corps de Marie vers le ciel. Elle conserve des restes de polychromie, œuvre de Cristòfol Alegret, peintre de Cervera, embauché pour dorer et peindre le tombeau de la Vierge, ainsi qu’une partie de la chapelle.
Le début des travaux de l’église de Santes Creus remonte à 1174. Elle fut ouverte au culte dès 1211 mais les travaux se poursuivirent jusqu’au début du XIVe siècle. Le temple, dédié à la Vierge, comme cela est habituel dans le Cistercien, est à usage exclusif de la communauté. Ce n’est qu’à l’expropriation des biens de l’Église qu’il adopta le rôle d’église paroissiale qu’exerçait jusqu’alors l’église de Santa Llúcia.
Il s’agit d’un édifice à plan en croix latine avec trois nefs séparées par de solides piliers qui soutiennent une toiture formée de voûtes de croisée d’ogives. L’abside est à plan carré, avec deux chapelles plus petites de chaque côté. Comme l’établissent les règles cisterciennes, c’est une église à l’aspect austère, malgré quelques concessions à la monumentalité recherchée par les monarques, comme la baie gothique ou la tour lanterne.
Les moines s’y réunissaient pour célébrer les cérémonies qui structurent leur vie quotidienne. La journée commence avant l’aube par l’office de matines. Au lever du soleil sont célébrées les laudes, un chant pour louer Dieu. Le jour continue avec la prime, la tierce, suivie de la messe, la sexte et la none. À la fin des travaux de la journée sont célébrés les vêpres et les complies, la nuit venue.
Dès la fondation du Cistercien, il est convenu que tous les monastères auraient les mêmes livres pour l’office divin et la messe. Pour accompagner le rituel, ils adoptent le chant grégorien mais rejettent les ornementations vocales et la polyphonie. Toutefois, au XIVe siècle, ils commencent à introduire des instruments et, à partir de 1486, l’orgue est accepté.
La communauté conservait ici les reliques données par Jaume II et Blanche d’Anjou, parmi lesquelles se distingue la langue de Marie Madeleine, objet de culte populaire. Pendant la célébration de sa fête, l’abbé introduisait la langue de la sainte dans les cruches d’eau des fidèles pour les bénir.
Le retable principal fut commandé en 1647 par l’abbé Pere Salla au sculpteur Josep Tremulles, dans la volonté de remplacer le précédent de style gothique, de Lluis Borrassà, qui fut conservé en alternance à la cathédrale de Tarragone et au Musée National d’Art de Catalogne. Aucun des deux retables ne répond aux exigences d’austérité et d’interdiction d’images, imposées par saint Bernard à l’origine de l’ordre.
L’œuvre de Tremulles est dédiée à la Vierge, qui est entourée de saint Benoît et de saint Bernard, à côté de deux saints de l’ordre.
Cachée derrière le retable se trouve une grande rosace de 6,30 mètres de diamètre. Bien qu’il s’agisse d’un élément habituel sur les façades des églises, le Cistercien l’utilisa également comme un élément décoratif dans les absides.
La rosace date de 1193 et, à l’exception de la partie centrale, elle conserve la plupart des vitraux d’origine, actuellement considérés comme les plus anciens de type cistercien.
Un des éléments les plus remarquables/singuliers de l’église de Santes Creus est la présence des tombeaux royaux de Pere el Gran et de Jaume II et Blanche d’Anjou.
Pere el Gran avait demandé à être enterré au monastère suivant la coutume de se faire inhumer près de lieux sacrés pour jouir de bénéfices spirituels. Conditionné par cette décision et influencé par les panthéons dynastiques qu’il avait vus en Sicile, son fils Jaume II décida de créer un panthéon royal montrant la force de sa lignée. C’est pourquoi il commanda un nouveau tombeau rendant hommage à son père, où ce dernier serait transféré fin 1302 ou début 1303.
Le projet du panthéon royal est un instrument de propagande politique : sa grandeur doit transmettre le pouvoir de la couronne. La volonté de Jaume II était de réunir à Santes Creus les tombeaux de tous ses descendants pour bien montrer le pouvoir royal. Néanmoins, son initiative ne prospéra pas puisque ses successeurs choisirent d’être enterrés à d’autres endroits.
L’importance du message que Jaume II voulait transmettre avec le panthéon apparaît dans le soin apporté à la conception et dans le choix des matériaux. Dans le cas du tombeau de Pere el Gran, l’œuvre attira des sculpteurs du nord de la France qui connaissaient les tendances les plus innovantes, surgies au milieu du XIIIe siècle en Île-de-France. Le résultat de ces apports fut un nouveau format de pilier, un nouveau type de chapiteau et de nouveaux motifs végétaux, qui sont présents sur les deux tombeaux royaux et dans le cloître.
L’influence sicilienne est également évidente dans le choix des matériaux, comme le porphyre, un matériau prestigieux qui, au XIIIe siècle, ne pouvait être obtenu qu’en recyclant des éléments anciens car la carrière était fermée. Ainsi, le corps de Pere el Gran se trouve dans une baignoire romaine en porphyre que Jaume II obtint pour en faire le tombeau de son père, en suivant l’exemple de Frédéric II de Sicile. Outre le porphyre, le marbre blanc et le marbre bleu, une roche extraite de Gérone, sont employés.
Le mausolée conserve une peinture abondante où dominent trois couleurs : le bleu, le rouge et le doré. Les travaux de restauration ont confirmé que la polychromie est bien celle d’origine.
Dans le cas du tombeau de Jaume II et de Blanche d’Anjou, le monument funéraire est composé d’un double tombeau couvert d’un couvercle à deux pentes qui, s’inspirant du modèle du panthéon royal de Saint-Denis de Paris, incorpore les images gisantes des monarques. Au XVIe siècle, une modification fut effectuée en ajoutant trois plaques d’albâtre. Une de ces plaques fut arrachée en 1836, après l’expropriation des biens du monastère, pendant une attaque contre le panthéon royal. Le tombeau de Jaume II et de Blanche d'Anjou fut profané et les corps en furent retirés, dépecés et exhibés dans tous les alentours. Par contre, le tombeau de Pere el Gran ne subit aucun dommage, devenant le seul monument funéraire des rois de la Couronne d’Aragon parvenu intact jusqu’à nos jours.
Profitant de ce fait exceptionnel, lors de la restauration du panthéon royal en 2010, une étude exhaustive fut réalisée portant aussi bien sur la construction des tombeaux que sur l’analyse anthropologique des corps et des rituels funéraires.
Aux pieds du mausolée de Pere el Gran, il y a une dalle qui couvre le tombeau de Roger de Llúria, qui avait manifesté son vœu d’être enterré aux pieds du roi qu’il avait servi. Amiral de la flotte catalane, il défendit les intérêts du monarque au sein du royaume de Sicile.
L’escalier relie l’église et le dortoir des moines. Sa fonction est de faciliter le déplacement pour l’accomplissement des prières comme les laudes, à l’aube, ou les matines, la nuit. Il était également utilisé pour monter au dortoir après les complies, à la fin de la journée.
Sur le côté de l’église est conservé le boîtier en bois, du XVIIIe siècle, qui contenait le mécanisme de l’horloge. Elle était connectée à l’ancien clocher et rappelait à la communauté les heures de l’office divin.
La face avant du boîtier conserve la polychromie qui représente une grande rose des vents. Sur chacun des quatre angles de la face avant est représenté un vent avec le visage d’un personnage soufflant et, sous la circonférence, au centre, apparaît la tête d’un personnage monstrueux de couleur rouge. Autour de la rose des vents, la circonférence est divisée en 24 heures. Sur ces premières horloges, le cadran n’a pas beaucoup d’importance puisque l’essentiel était le mécanisme qui actionnait les cloches qui marquaient le rythme de la communauté.
L’église de Santes Creus compte un exceptionnel ensemble de vitraux cisterciens des XIIe et XIIIe siècles, dont certains sont ceux d’origine. Les compositions reproduisent les modèles propres au Cistercien, avec les formes géométriques entrelacées et des couleurs aux tons clairs, avec juste quelques petits détails en vert et rouge. On y observe également d’abondants motifs élaborés en grisaille.
La grande baie gothique de la façade, réalisée vers 1300, est une licence à l’austérité de construction du Cistercien et elle a été interprétée comme un des exemples du travail d’enrichissement du monastère commandé par les rois Jaume II et Blanche d’Anjou, au sein du programme royal de faire du monastère de Santes Creus le panthéon de leur lignée.
La baie vitrée dispose de vitraux richement polychromés dédiés à la vie de Jésus. Les différentes scènes sont divisées en quarante-huit petits cadres organisés sur quatre colonnes, chacune dédiée au récit d’un évangéliste.
L’analyse stylistique des figures et la documentation historique situent ces vitraux gothiques comme les plus anciens de Catalogne, antérieurs aux constructions des grandes baies vitrées gothiques catalanes.
Le mausolée fut commandé par le duc de Medinaceli i Cardona, Luis Antonio Fernández de Córdoba, pour y enterrer la dépouille de son épouse, Teresa de Montcada i Benavides, et accueillir les restes des membres de la famille Montcada enterrés à Santes Creus. Teresa de Montcada mourut en 1756 et elle fut la dernière représentante des Montcada en Catalogne, vu que sa lignée s’ajoutait aux autres titres de la maison des Medinaceli.
Le tombeau est l’œuvre de Josep Ribas, architecte barcelonais, embauché en décembre 1757. Le tombeau est un vase sépulcral en jaspe marron de Tortosa et il est encadré d’un arc en plein cintre créé avec des pièces rectangulaires de marbre noir, provenant de la Chartreuse d’Escaladei. Sur la clé de l’arc est suspendu le blason de la maison des Medinaceli.
Le parloir relie le cloître principal et le cloître arrière. C’est un lieu de passage mais également un point de réunion, comme le témoignent les bancs en pierre adossés au mur, autrefois revêtus de bois pour les rendre plus confortables. Les moines pouvaient y tenir de brèves conversations, bien que toujours de manière prudente, puisque les cisterciens vivaient dans le silence, convaincus de ses bénéfices spirituels.
En fait, aussi bien par son emplacement, qui canalise les vents, que par son excellente acoustique, qui empêche toute intimité, l’espace n’est pas accueillant et invite pas non plus à de longues conversations.
Santes Creus possède un second cloître, plus simple au niveau artistique, qui articule les dépendances situées dans la partie arrière. Il fut bâti pendant la seconde moitié du XIVe siècle, lors de l’abbatiat de Guillem Ferrera, dans l’objet d’aménager cette zone et de relier le palais au reste du monastère.
En plus du palais, tout autour se trouvaient l’infirmerie, la chapelle de la Trinité et les constructions les plus anciennes, qui avaient été rénovées et dont l’utilisation était conservée.
Cette zone évolua au fil du temps, s'adaptant aux besoins de la communauté à chaque moment. Les réhabilitations du XVIIIe siècle sont celles qui modifièrent le plus intensément son environnement. C’est à ce moment que fut rénové le réfectoire (1733) et construite une nouvelle infirmerie de l’autre côté du cloître (1736). Le projet toucha également la configuration du cloître. Si, à l’origine, il n’avait qu’un rez-de-chaussée et un plafond en bois, au XVIIIe siècle, un étage fut bâti au-dessus de la galerie du cloître. Il ne reste de ce deuxième étage que quelques éléments testimoniaux comme les fenêtres ouvertes sur la galerie de l’infirmerie.
Pendant la troisième guerre carliste, cette zone fut gravement touchée par l’intervention des habitants de Vila-rodona, qui avaient besoin de bois et de pierres pour fortifier la cité face à une éventuelle attaque carliste. Suite à cette action, les structures furent affaiblies et s’enfoncèrent à cause d’un manque de restauration. Actuellement consolidés, ces vestiges témoignent de la dureté de l’étape entre la sécularisation et la reconversion en monument.
La cour du cloître est un exemple de la reconversion de Santes Creus en monument, après une dure étape qui mit à mal une partie de ses structures. Au début du XXe siècle, la Mancomunitat (Fédération de communes) promut la récupération de cette cour, utilisée à ce moment-là comme un verger par le gardien. Un projet d’aménagement en jardin fut commandé à Jeroni Martorell, mais les travaux ne commencèrent que vers 1930 avec la plantation des cyprès, donnés par Eduard Toda, et d’autres espèces végétales.
La copie de manuscrits et la rédaction de documents étaient un travail propre aux monastères médiévaux. Les moines cisterciens n’en sont pas exclus, mais saint Bernard dicte des règles restrictives concernant cette activité afin de préserver l’austérité de l’ordre. Ces normes réduisent la gamme de couleurs, limitent l’ornementation sur les lettres majuscules et suppriment les éléments figuratifs. Malgré tout, l’ordre produisit également des manuscrits richement enluminés suite à l’assouplissement du respect des préceptes.
Le travail primordial consistait à copier les textes fondamentaux à la vie monastique comme les Évangiles, le coutumier, la Bible... Ce travail maintint actif le scriptorium de Santes Creus jusqu’au XVIe siècle, quand l’irruption de l’imprimerie fit diminuer l’activité. À cette époque, la bibliothèque est transférée à l’étage supérieur et l’espace est destiné à agrandir le cellier.
La salle qui l’accueillait faisait partie de la première étape de construction de Santes Creus, caractérisée par l’épaisseur des murs, l’austérité décorative et la rudesse des éléments architecturaux. Actuellement, elle accueille l’audiovisuel « Le monde du Cistercien » et elle ne peut être visitée que dans ce contexte.
Un portillon permet d’accéder à la geôle, un espace humide aux dimensions réduites, qui servait de cellule de punition et de pénitence pour les frères. L’abbé devait savoir qu’elle était la meilleure manière de corriger le comportement de ses moines, en envisageant même la possibilité de châtiments corporels. Dans les cas les plus extrêmes, la peine de prison pouvait être prise en considération.
Il est également possible qu’elle fût utilisée comme lieu de réclusion des captifs. En ce sens, la prison aurait pu accueillir des prisonniers de la Couronne pendant leur transfert d’une ville à une autre, ou ceux condamnés par l’abbé vu que celui-ci exerçait l’entière juridiction sur la plupart de ses domaines, ce qui impliquait l’obligation de maintenir l’ordre et le droit de rendre justice.
Des graffitis conservés ici témoignent de l’utilisation de la geôle comme cellule de punition pour les moines. Il y en a sur le plafond en forme d’écriture et, au-dessus du portillon d’accès et à la hauteur du deuxième étage, nous retrouvons une peinture murale avec une Crucifixion. On peut y distinguer Jésus sur la croix et, de part et d’autre, les deux larrons également crucifiés. Les dates des inscriptions inscrivent l’utilisation de la cellule dans la deuxième moitié du XVIe siècle.
Avec la construction d’un nouveau réfectoire, la cuisine fut déplacée à côté de ce dernier. Actuellement, la plupart de la salle a perdu sa toiture et les éléments permettant d’en identifier la fonction originale sont rares. En plus des vestiges des conduits d’eau, sont conservés les piques, une table et un fourneau en pierre pour poser les marmites sur le feu. Il y a également un petit moulin et des restes de meules provenant d’un moulin à farine.
La cuisine conserve encore d’anciens conduits d’eau à l’intérieur de l’un des murs. D’énormes vasques ont également été conservées, construites à partir de grands blocs de pierre, qui étaient sans doute les éviers.
L’approvisionnement en eau est une question essentielle que les cisterciens résolvent avec la réalisation des infrastructures nécessaires. À Santes Creus, les moines construisirent une canalisation qui amenait l’eau de la forêt de Sant Sebastià au monastère, pour approvisionner le lavabo, les latrines et la cuisine. Passant sous la cuisine, la canalisation continue vers le moulin d'en haut et les bassins d’irrigation, jusqu’à Vila-rodona.
La fenêtre passe-plats est un exemple du caractère fonctionnel des constructions cisterciennes. Afin de faciliter la vie de la communauté, la cuisine et le réfectoire se trouvent à côté l’un de l’autre, et la fenêtre passe-plats permet de faire circuler les plats.
Le réfectoire du cloître arrière est documenté du XVIe siècle, bien que l’aspect définitif provienne des travaux de 1733 quand, afin d’apporter plus de lumière à l’intérieur, le plafond est élevé et deux autres fenêtres sont ouvertes, une à chaque extrémité, au-dessus des galeries du cloître.
Le long du périmètre étaient disposés les bancs et les tables en bois pour recevoir la communauté. Tandis qu’ils mangeaient en silence, le moine lecteur lisait des textes religieux. Cette fonction était exercée par roulement, comme celle des semainiers, les moines responsables de servir les repas aux autres frères, un travail auquel personne n’échappait.
Le menu s’adaptait à l’époque de l’année. Un plat chaud était préparé en hiver, alors que les salades étaient de rigueur en été. L’alimentation était régie par les dispositions de la Règle et le besoin d’être autosuffisants. La base était composée de légumes secs, de légumes frais et de fruits provenant des vergers du monastère. Ils étaient accompagnés d’une ration de pain et d’un peu de vin, normalement coupé avec de l’eau. L’alimentation était complétée par du poisson, frais ou salé, des œufs et des fromages faits maison. La viande n’était pas permise, bien que la règle prévoie des exceptions en cas de maladie. Avec le même caractère d’exceptionnalité, en 1481, le Cistercien fit une dispense générale à cause du prix élevé du poisson.
Les travaux pour adapter la salle en tant que réfectoire incorporèrent une frise céramique le long des murs, qui servaient de dossier des bancs, et un pavement. Les motifs décoratifs des carreaux suivent les modèles de l’époque.
Le palais était la résidence de l’abbé et le cœur de la gestion du monastère. Les fonctions de l’abbé de Santes Creus allaient au-delà de la direction spirituelle et du gouvernement de la communauté monastique, vu qu’il avait des obligations en tant que seigneur féodal et représentant de la classe ecclésiastique aux Cortès. De plus, il jouit longtemps d’un lien étroit avec la couronne, grâce au titre de Grand Prêtre royal que possédaient les abbés de Santes Creus. La gestion de ce pouvoir impliquait donc des relations constantes avec l’extérieur, un fait qui justifiait le besoin d’une résidence propre, au moyen de laquelle il exprimait le pouvoir du monastère.
À Santes Creus, le premier palais se trouve à une extrémité du cloître arrière, avec un accès direct à l’extérieur. L’édifice conserva cette fonction jusqu’au XVIe siècle, époque à laquelle la résidence abbatiale fut transférée à la place de Sant Bernat.
Exemple abouti de palais gothique, l’édifice ne présente pas une homogénéité totale à cause des rénovations qui se produisirent au fil du temps et qui incorporèrent des éléments qui témoignent de la force du monastère au-delà de l’époque médiévale.
La structure de l’édifice se définit en grande partie lors de la deuxième moitié du XIVe siècle, au sein d’un ambitieux projet de rénovation promu par l’abbé Guillem Ferrera (1347-1375), qui toucha la partie arrière du monastère. C’est à cette époque qu’est bâtie, en même temps que le cloître, la façade du palais et sa cour principale, de sorte que l’ensemble est aménagé autour de deux cours contiguës.
La cour principale, le seul espace actuellement visitable du palais, est l’axe qui articule la communication entre la cour d’accès, le cloître arrière et l’étage noble du palais. Suivant la structure propre aux palais gothiques, un escalier extérieur mène à l’étage noble où se trouvait la résidence de l’abbé, tandis que les salles supérieures étaient destinées au service. La qualité des éléments décoratifs, introduits progressivement par différents abbés, en fait l’espace le plus important du palais.
Nous trouvons dans le palais deux colonnes de porphyre intégrées à la construction. Selon des documents, Jaume II les fit amener de Sicile, avec la baignoire, pour les utiliser dans le tombeau royal de Pere el Gran. Cette fonction ayant été écartée, elles furent une raison de dispute entre Pere el Cerimoniós et l’abbé Ferrera qui décida de les utiliser comme élément de prestige dans le palais.
Le palais a une deuxième cour, actuellement non visitable, qui menait directement à l’extérieur à travers un grand portail. Sans doute pour des raisons de sécurité, les dépendances et les galeries qui s’ouvrent autour n’étaient pas accessibles directement de cette cour, qui ne menait qu’aux écuries, à l’ancien donjon et à la cour principale.
Après avoir décidé de l’établissement sur ces terres au bord de la rivière Gaià, la communauté provenant de Valldaura dut bâtir ces dépendances provisoires, dans l’attente que les salles essentielles du monastère fussent achevées. Par la suite, les édifices furent réhabilités et ils furent utilisés jusqu’à la sécularisation. Il y avait des dépendances couvertes de caissons en bois et de plâtre du XVIe siècle.
Cependant, de nos jours, il n’en reste que des arcs en pierre et quelques témoignages des anciens murs. En septembre 1784, les habitants de Vila-rodona sont autorisés à extraire du matériau de démolition du monastère afin de fortifier urgemment la cité face à une éventuelle attaque carliste. Bien que l’autorisation portait sur le matériau de démolition, la galerie orientale du cloître supérieur et les dépendances environnantes furent aussi démolies.
Située dans la partie arrière de l’espace monastique, la chapelle de la Trinité fut sans doute la première église de la communauté, du moment où elle s’installa à Santes Creus (XIIe siècle) à l’ouverture au culte de l’église principale (1211). Par la suite, avec la construction de nouvelles dépendances dans le cloître arrière, elle fut reconvertie en chapelle de l’infirmerie.
Elle répond à la même typologie que celle de nombreuses églises de la fin du XIIe siècle : dimensions réduites, plan rectangulaire, sans abside, et couverte d’une voûte en berceau légèrement en ogive.
La pierre de l’édifice se différencie nettement de celle utilisée dans le reste du monastère. Le travertin, un matériau léger, moins dur et, par conséquent, plus vulnérable à l’érosion, fut utilisé.
Dans le chevet de la chapelle de la Trinité se trouve la statue en bois d’un Saint Christ élaborée au XVe siècle par une école d’influence italienne. La pièce est mutilée et a perdu la croix, les bras et les jambes à la hauteur des genoux. Après sa restauration, elle a été placée à cet endroit, bien que son emplacement original soit inconnu.
Devant le palais, du côté opposé au cloître, se dressaient les salles adaptées aux moines retraités, qui étaient au monastère depuis plus de quarante ans, et les vieillards. Il ne reste de cette construction que quelques témoignages, toutefois, un exceptionnel arc catalan, long et très plat, a survécu, malgré la destruction subie pendant la Troisième Guerre Carliste (1872-1876).
Cet édifice trouve ses origines dans le cadre des rénovations réalisées au monastère à partir du XVIIe siècle dans le but de réaménager l’espace de vie communautaire. Cette nouvelle construction aurait accueilli, au rez-de-chaussée, un entrepôt de linge et des lavoirs, tandis que le premier étage était destiné à l’infirmerie.
Il s’agit d’un édifice bâti avec des matériaux de moindre qualité. Les grands blocs ne sont pas utilisés, mais de la pierre de dimensions réduites et à la taille irrégulière, provenant de rebut ou réutilisée. La brique est également employée pour les arcs de la galerie du deuxième étage, fruit d’une rénovation effectuée au XVIIIe siècle.
Comme d’autres édifices de cette zone, l’infirmerie souffrit intensément les effets dévastateurs de la sécularisation mais, vers 1930, des travaux furent entrepris pour la reconstruire, au sein des travaux de protection de Santes Creus, déclaré monument national en 1921. L’objectif était de l’adapter pour accueillir des œuvres d’art et ouvrir un petit musée mais le projet fut abandonné à cause de la guerre civile.
En 1575, l’abbé Jeroni Contijoch ordonna la construction du clocher pour y loger les cloches qui, actionnées par le mécanisme de l’horloge de l’église, rythmaient la vie monastique.
Les travaux sont commandés au tailleur Joan Roig et au maître d’œuvre Joan Casquilles, de Vila-rodona. Il s’agit d’une tour quadrangulaire, formée de quatre corps séparés par des corniches. La supérieure conserve encore trois des quatre gargouilles qui étaient aux angles.
À la hauteur du dortoir, la tour accueillait les archives où étaient conservés les privilèges du monastère, les dons reçus et les baux emphytéotiques. Après la sécularisation, les documents furent pris par des particuliers et, finalement, répartis entre les Archives Historiques Nationales, créées en 1866, les archives de la Couronne d’Aragon et les Archives Historiques Archidiocésaines de Tarragone.
Le cimetière est signalé par une seule croix en pierre, vu que le caractère cistercien ne permet pas d’éléments différenciant les membres de la communauté.
Comme tout moment de la vie communautaire, la mort a également son rituel. Dans les monastères cisterciens de Poblet et de Vallbona, la coutume de prévenir la communauté d’un décès en frappant trois coups avec un bâton qui se trouvait dans le cloître a été documentée. C’est alors que commençait un rituel au cours duquel le défunt était dévêtu, lavé puis à nouveau vêtu avec l’habit. Quand il était prêt, il était conduit à l’église, où la communauté le veillait, et les funérailles étaient officiées.
Il était ensuite amené de l’église au cimetière à travers la porte de la mort. Là, le corps était déposé dans une fosse creusée dans le sol, sans cercueil, les mains croisées sur la poitrine, la tête tournée vers l’orient et la capuche couvrant le visage.
Les murs de l’église principale ont conservé un grand exemple de marques de tailleurs de pierres. Ce sont des symboles simples dont la fonction était d’identifier moyennant une marque les blocs de pierre élaborés par chaque artisan ou atelier et justifier ainsi le paiement pour le travail réalisé. Si le tailleur n’a pas encore été payé, quand la construction d’un bâtiment avance, les pierres de taille doivent être placées la face marquée vers l’extérieur. Le symbole est visible et le travail de chacun peut être calculé. La pose des blocs de pierre perd de son importance quand le paiement a été réalisé et les marques, dans de nombreux cas, sont cachées sur les faces à l’intérieur des murs.
Le dortoir fait partie du premier bloc de construction. Il fut commencé en 1191 et achevé en 1225, bien que certains historiens affirment que la construction aurait connu une deuxième phase achevée lors de la seconde moitié du XIIIe siècle.
Comme le prône l’idéal cistercien, le dortoir se trouve au-dessus de la salle capitulaire et du parloir. Pour faciliter les déplacements des moines, en plus de l’escalier qui mène au cloître, le dortoir a un accès direct à l’église par le dénommé escalier de nuit, que les moines empruntaient pour assister aux prières nocturnes.
L’élément le plus intéressant de cette salle est que ses constructeurs ont créé un espace aux grandes dimensions, sans colonnes ni pilier soutenant la toiture, grâce à onze arcs diaphragmes en ogive. Les arcs reposent sur les murs épais et soutiennent une toiture à deux pentes avec des poutres en bois, des briques de terre cuite et des tuiles. Tout au long du dortoir, sur les arcs formerets, s’ouvrent les baies, fruit d’une rénovation ultérieure.
La vaste salle permettait de loger tous les moines vu que, selon la Règle, ils devaient dormir dans une même salle, sur un lit de paille et vêtus. Au fil du temps, les cellules individuelles furent permises, ainsi que les premières paillasses. Ces cellules finirent par s’imposer à Santes Creus à partir du XIVe siècle et au XVIe siècle elles s’établirent définitivement dans tous les monastères cisterciens.
L’escalier du dortoir permettait d’accéder à la bibliothèque, un espace actuellement non visitable. Selon les calculs, elle réunissait entre trois et quatre mille volumes, parmi lesquels deux cents manuscrits datés du XIIIe au XVe siècle. Suite à l’expropriation des biens de l’Église, le fonds bibliographique fut destiné à la fondation de la Bibliothèque Publique de Tarragone, avec l’héritage d’autres monastères.
La visite du Royal Monastère de Santes Creus permet de découvrir un monastère qui se distingue par le fait de suivre fidèlement la structure architecturale conçue par Bernard de Clairvaux pour le monastère de Clairvaux au XIIe siècle.
La caractéristique de cette architecture est sa soumission aux exigences de la vie monastique. Les espaces sont conçus pour accomplir une fonction spécifique et sont aménagés de sorte à faciliter au maximum la vie simple de ses habitants, déterminée par des normes qui régissent les travaux et les horaires et définissent l’isolement.
Les moines cisterciens vivant à l’écart du monde, le monastère présente une enceinte, dénommée clôture, où sont aménagés tous les espaces essentiels à la vie du moine, au point qu’en passant par les différentes salles, il est possible de redécouvrir leurs règles de vie. En outre, la disposition de ces dépendances à Santes Creus se caractérise par un suivi très fidèle du plan idéal de saint Bernard.
Toutefois, le monastère n’est pas un élément isolé. La communauté entretient habituellement des rapports avec les habitants de ses domaines féodaux, pour des affaires découlant de l’administration de ses propriétés, de la perception de rentes ou pour rendre justice. De plus, le lien féodal obligeait les vassaux à utiliser certains services, comme le moulin, le four ou la forge, dont le monastère détenait l’exclusivité. Dans ce cas, il y avait une forge dans le complexe monastique et deux moulins à farine dans les alentours. Par ailleurs, les préceptes de l’ordre établissaient l’obligation d’accueil, notamment de pèlerins, qui arrivaient à Santes Creus attirés par les reliques de Marie Madeleine, un culte qui connut une grande popularité aux XIVe et XVe siècles.
L’espace pour développer ces fonctions inclut deux autres zones, situées en dehors de la clôture. La première, ouverte à tout le monde, accueillait la conciergerie, la paroisse et les services. La deuxième, dont l’accès était restreint, était l’espace de relation des moines avec l’extérieur ; c’est ici que se trouvaient l’hôtellerie et les dépendances de gestion.
Si ces structures répondent aux règles cisterciennes, Santes Creus nous réserve néanmoins quelques surprises. Son lien avec la maison royale en fait un lieu exceptionnel. Les monarques souhaitant faire de Santes Creus un lieu majestueux pour accueillir le panthéon royal, des styles y furent introduits qui s’opposent à l’austérité cistercienne. C’est ce qui explique le contraste entre la simplicité de l’église et la sculpture des tombeaux et du cloître ou entre les vitraux des nefs latérales et ceux de la baie gothique de la façade. Les rois imposèrent leur critère au-delà des normes de la communauté. C’est ainsi, dans cet élan d’innovation, que fut bâti à Santes Creus le premier cloître de style gothique de toute la Couronne d’Aragon.
S’il est vrai que les monarques utilisèrent le cloître et les tombeaux royaux pour exprimer leur pouvoir, nous trouvons à différents endroits de l’espace des détails architecturaux et sculptés de différentes époques qui témoignent du pouvoir que le monastère maintint jusqu’à sa disparition au XIXe siècle.
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